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Les chantiers du jeune théâtre

les Ateliers 2012 de Saint-Exupéry :" Gargantua "et de Dautet " Les pas perdus"

17 Mars 2013 , Rédigé par GMB Publié dans #chantiers 2012

Valérie Dantou et toute son équipe: lycée Saint-Exupéry pour MIMESIS 2012

 

Gargantua ou le rire partagé

« L’attente du grand soir, le bouquet final ! »

 

 

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 Gargantua ou le rire partagé, est le titre de cette création de l’Atelier artistique du lycée Saint-Exupéry ; l’humanisme et la construction de soi sont au programme ici, dans une réécriture du texte de Rabelais.

Portés par un texte cru et parfois subversif, les élèves et leurs cinq intervenants nous entraînent dans une aventure décoiffante !

Nous retrouvons ici la verve d’un Rabelais qui n’aurait pas subi la censure des « fameux » manuels scolaires  Lagarde et Michard et la truculence du texte s’intègre bien au hip-hop, à la danse contemporaine et se prête à l’inventivité de la mise en scène sur plusieurs niveaux de jeu dans l’espace.

Nous avons été particulièrement frappées par le jeu des acteurs, et la manière dont les jeunes filles s’approprient le grotesque, terrain plutôt des garçons au théâtre, pour nous faire rire aux larmes ! Et puis tout simplement quel enthousiasme, celui de la Renaissance ?

 

 

Gargantua : c’est géant...

 

 

Il fallait oser mettre en scène avec les élèves le texte de Rabelais qui n’a pas été censuré. Il fallait croire au talent des élèves qui n’ont pas été effrayés par cette langue truculente, crue et difficile du 16e siècle. Ils lui ont au contraire fait la révérence avec une joie et une espièglerie que le seigneur Gargantua aurait appréciées.

 

C’est du théâtre comme on l’aime : vivant, drôle, surprenant, déroutant qui donne envie de se vautrer, de se rouler avec un appétit gargantuesque dans la langue de Rabelais.

La scène de la naissance de Gargantua restera dans les annales des très bons moments de théâtre lycéen.

Et ce sont les élèves qui nous rappellent que l’on peut apprendre en se faisant plaisir, en se pourléchant les babines avec les mots, avec la musique, avec la danse.

 

Rabelais aurait certainement adoré chevaucher sur la walkyrie de Wagner ou se tordre les tripes sur des airs de hip hop.

 Prêtre et humaniste, personne n’est mieux placé que lui pour se moquer des hommes d’église, des théoriciens.

Personne n’est mieux placé que les élèves pour se moquer des enseignements indigestes, des discours abscons.

Gargantua mérite vraiment que l’on fasse l’effort d’avaler des litres et des litres de rimes rabelaisiennes. Des litres qui nous descendent dans le gosier comme un bon vin.

Gargantua est énorme, grossier, grotesque. Avec lui, les élèves s’amusent sur scène. Il est aussi très proche d’eux : il baille quand les maîtres l’ennuient, affirme que les grands savants parlent simplement, considère que les voyages, les fêtes et les jeux sont bons pour la santé, aime la vie, les rires et les aventures, a de la répartie, une dose de naïveté.

 

Les jeunes acteurs sont tous très forts : on ne sait plus où donner de la tête. On ne quitte pas Gargantua des yeux, dans son habit bedonnant et bidonnant qui met en valeur son ventre rempli de tripes et de jambons, on ne se lasse pas de rire des professeurs ridicules empêtrés dans leurs dogmes poussiéreux, des élèves stupides gavés de savoirs inutiles, d’un mondain parisien, tout en farandoles et gestes amples, sautillant dans son corps et dans sa logorrhée de troubadour effarouché. Les parents de Gargantua, burlesques, bons vivants nous parlent ripailles, banquets qui cassent les hiérarchies et font l’éloge de la culture populaire... Grand seigneur.

Bref, c’était un sacré défi et une très bonne idée de s’amuser avec Rabelais le plus sérieusement du monde. Il fallait faire confiance aux élèves qui ne s’y sont pas trompés : la langue du XVIe siècle à la sauce de Rabelais, « c’est trop bien ».

Pour nous, c’était « trop bon ».

 

Entretien avec Valérie Dantou et les élèves

 

Emilie :

Au début, on a eu un peu peur avec le texte, c’est dur de tout mémoriser. Hilly, la metteuse en scène nous a aidés. Chacun a choisi son personnage.

 

Isabelle :

En profondeur, je ne sais pas si j’ai compris tout ce que disait Gargantua.

 

Emilie :

Il y a un rapport avec notre époque, même si le vocabulaire, les attitudes ne sont pas les mêmes, on retrouve des comportements d’aujourd’hui. Par rapport à l’école, on retrouve des ressemblances.

 

Isabelle :

Gargantua, c’est une pièce sur l’éducation. Nous, on est lycéens, donc c’est intéressant de traiter ce sujet dans une pièce de théâtre. On voit que certains  profs ne sont pas toujours les meilleurs. Par exemple, Zoé joue un prof qui rend Gargantua débile.

 

Hélène :

Oui, Zoé est un prof très strict. Le thème de l’éducation reste universel. Au début j’étais réticente, je me suis dit, ça va être dur à comprendre et en fait ça a été assez agréable.

 

 Zoé :

C’est un travail qui se fait petit à petit, au départ, on était dans la    mémorisation. Petit à petit, on apprend à mettre en relation ce texte avec les personnages qui évoluent avec nous.

 

Hélène :

On commence toujours par regarder son personnage. On fait un travail sur la personnalité du personnage avant d’apprendre le texte. Il faut bien qu’on analyse notre personnage pour bien le comprendre et ensuite bien le jouer. C’est un travail assez long. On a fait un travail assez profond sur le texte.

 

Vous vous êtes amusés !

 

Isabelle :

Oui construire la pièce sur les petites anecdotes c’est marrant.

 

Emilie :

Pour n’importe quel personnage, on était tous ensemble. On s’est aidés.

 

Florine :

Les prêtres étaient assez  « jetés » à l’époque.

 

Jérémy :

Il y a une certaine folie, une absurdité, dans cette époque. Tout est exagéré et cela donne une forme spéciale. C’était une autre époque. Mon personnage, je ne le voyais pas comme çà. On s’amuse beaucoup. Il faut faire sortir quelque chose qui paraît improbable. Mon personnage se construit sur quelque chose qui n’existe pas, l’exagération, la folie.

 

Valérie :

En même temps, Jérémy a senti qu’il voulait le faire ce personnage.

 

Jérémy :

J’aime le vieux français, je me suis dit ce personnage je pourrais lui donner vie.

 

Isabelle :

Jérémy a su donner un sens au texte. C’est dur d’être face à lui sur scène et de ne pas exploser de rire.

 

Isabelle :

Gargantua est en quête de lui même. Tout le monde essaie de lui apprendre quelque chose et lui il essaye de se trouver. C’est un géant, il est différent. Il nous apprend qu’il faut avoir un esprit critique. Quand on l’oblige à apprendre sans réfléchir, il perd son intelligence. Il faut apprendre en critiquant ce qu’on apprend. C’est ce qu’on apprend.

 

Emilie :

Au début, on jouait des élèves sérieuses à fond dans l’éducation. Il y a peu de temps, Hilly nous a appris à faire quelque chose de plus drôle. On est partis dans un nouveau monde, on a lâché prise.

 

Charlotte :

On a réussi à s’emporter plus. On était plus émerveillés.

 

Emilie :

Le fait d’être tous ensemble, d’apprendre à écouter les autres, à ne pas être dans son coin. On a appris à se lâcher, à ne pas avoir peur du ridicule. C’est du bonus. Dans le groupe, il y a des danseurs. Les intervenants c’est du bonus pour améliorer les personnages.

 

Pauline :

Je suis plus dans le théâtre, j’en fais beaucoup. Je me suis concentrée sur la danse. On a vu des spectacles.

 

Jules :

J’ai beaucoup dansé dans la rue comme j’en avais envie, le fait d’apprendre des chorégraphies ça donne des règles à la danse et ça permet de partager quelque chose d’autre. Le texte a beau être vieux, il a un côté moderne. C’est totalement différent au niveau du langage et en même temps ça passe bien. Ca fait plusieurs fois que j’ai essayé de travailler le hip hop en mélangeant avec autre chose. Et en groupe, ça permet d’aller plus loin, c’est plus sympa.

 

Valérie :

On avait déjà traité un texte classique, Candide de Voltaire. On a eu envie d’une belle langue, une belle écriture. On a eu envie de se plonger dans un texte du programme des élèves de première en cours de français. On a eu l’idée de Rabelais, une adaptation de M. Réno, un metteur en scène d’Angers. On a abordé le texte ancien et son adaptation.

Ce n’est pas le texte qu’on enseigne à l’école.

Ils ont l’habitude des interprétations. On travaille par rapport à la lecture de l’œuvre. On leur a montré qu’il y avait plein de lectures d’une même œuvre.

Il faut que ce soit un personnage qu’ils aient envie d’habiter et dans lequel ils se sentent authentiques.

A chaque fois, on est époustouflé.

 

Qu’est que vous vouliez absolument ?

Je crois que ce qui est important est de trouver sa place dans une œuvre et à l’intérieur d’un groupe et aller au bout de l’aventure, c’est ce qui me touche le plus. Révéler des choses qu’ils ne soupçonneraient pas en eux. Comment on fait pour mener un projet à bout avec des hauts et des bas.

 

Sur Gargantua ?

Je n’avais aucun préjugé et plein d’aprioris. Il faut avoir des a prioris par rapport au texte classique, par rapport à la grivoiserie. Ils le disent de telle manière que... Je me suis dit « qu’est ce qu’ils font penser ». On leur fait jouer quoi ?

 

Geneviève :

La langue de Rabelais est du délire pur et les éditeurs ont coupé les termes pornographiques. J’ai lu enfant, un  Rabelais épuré. C’est fou de vous entendre de dire ces textes avec les mots de Rabelais.

 

Emilie :

Au début, on a halluciné.

 

Hélène :

On s’est dit jusqu’où on va aller, c’était surprenant, mais on en a joué, ça nous a pas plus choqué que cela.

 

C’est plus drôle qu’autre chose ?

 

Emilie :

Les phrases ne se finissaient pas, à chaque fois, un terme était plus fou que le précédent on se disait jusqu’où va-t-il aller ?

 

Hélène :

C’est pour cela le théâtre, on lâche les émotions ;

 

Isabelle :

Je n’osais pas faire sur scène ce que dans la vie je ne ferais jamais. C’est le théâtre, je peux me permettre ce que je veux. C’est plutôt marrant.

 

Pourquoi êtes - vous là ?

 

Jules :

C’est s’amuser, c’est une liberté, un monde dans un univers parallèle où on est bien, où on n’a pas de jugement.

 

Zoé :

Le théâtre est une façon de se découvrir, une nouvelle facette de notre personnalité dont on n’aurait pas idée, et d’apprendre sur la vie.

 

Emilie :

J’ai commencé, il y a trois ans. En seconde, je n’osais pas trouver ma place. J’en ai fait en me disant que cela allait me faire du bien. Je ne pensais pas être capable d’hurler ou d’être un bisounours. Dans la vie normale, on est plus à l’aise, pendant les oraux par exemple.

 

Hélène :

C’est aussi pour l’adrénaline du grand soir, c’est le bouquet final, c’est quand même, on jouerait 50 fois, j’irai la petite cerise sur le gâteau, c’est le grand soir.

Aujourd’hui, on sent que ça y est, on va y aller, on stresse tous on a mal au ventre et sur scène, c’est comme une drogue. Une montée !

 

Emilie :

Et la satisfaction de voir qu’on a réussi, entendre les gens rire.

 

Isabelle :

Oublier tout le texte, j’ai peur, je fais des cauchemars, me retrouver toute nue sur la scène.

 

Valérie :

Les hauts ? Les élèves se sont sublimés, on a des rapports avec eux exceptionnels, on a une proximité géniale.

Les bas ? C’est quand des gens arrêtent, c’est l’échec total pour nous. C’est une énergie qu’il faut porter tout le temps.

Je me dis que je n’ai pas trouvé en lui quelque chose qui fait qu’il reste. C’est dur parfois. C’est gênant pour les élèves qui sont là tout le temps, ils en subissent les conséquences directes.

 

Agathe :

Je ne pourrais pas arrêter maintenant. Ҁa bloque tout le monde. J’ai repris les répliques de plusieurs personnes. A leur place, je regretterais. Je flippais un peu quand j’ai vu les textes, on rentre dedans, on se laisse bercer au fil des séances, je trouve çà génial.

 

Clémence :

C’est un engagement, du respect. On doit continuer par respect pour ceux qui sont avec nous.  J’ai découvert le hip hop, c’est sympa.

 

Agathe :

ça m’a donné confiance en moi. J’arrive mieux à parler dans une classe, maintenant quand j’ai besoin de dire quelque chose, je le dis ouvertement, avant je me faisais petite.

 

Isabelle :

Lucille ne parlait pas du tout. A la fin de la deuxième année de théâtre, il faudrait l’applaudir.

 

Lucille :

Je fais du théâtre parce que j’ai beaucoup de mal à m’affirmer. C’est pour me donner plus confiance.

 

 

Interview réalisée par Alexandra Laine , Journaliste.

 


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Mise en scène

Hilly De Kerangat, Amine Boussa, Valérie Sabut, Valérie Dantou, Axelle Gabard

Avec : Lucille, Jessica, Pauline, Jérémy, Lisa, Isabelle, Clémence, Zoé, Estelle, Florine, Hélène, Charlotte, Cassandre, Jules, Agathe.


 

 

Stéphane Jacob et Genevièe Moreau-Bucherie, lycée Jean Dautet, pour MIMESIS 2012.

 

 

Les pas perdus

De Denise Bonal

 

« Sur la scène des pas perdus »

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Au lycée Dautet, la scène est un hall de gare où les élèves interprètent des personnages qui se croisent sans se voir. Des moments de vies forts qui passent… Laissent-ils des traces ? Ils resteront dans l’imaginaire des élèves.

 

Ils sont venus avec des menottes en velours rose qu’ils sortent d’une valise, un soutien gorge à fleurs vives comme deux coques bombées de noix de coco, un aspirateur pour la femme de ménage porté en bandoulière, comme on porterait en baroudeuse, toute la poussière des pas des voyageurs sur son dos. Une voyageuse par procuration aux carrefours de tous les possibles. Vies infiniment riches ou profondément sinistres ? Qui est le mieux placé pour observer ? Ceux qui passent sans se voir ou celle qui les regarde s’enfuir, son kilo de poussière d’hommes sur le dos.

Quelle belle trouvaille que cet aspirateur inspirant !

Un téléphone dans lequel un fils éructe son ras-le-bol de ces mères qui ne savent pas couper le cordon.

Des valises de mots qui déversent l’intimité vite remballée de tous ces gens dans les gares.

Ce couple sur le quai. Leurs premiers gestes amoureux, ils sont attendrissants, se sourient, se regardent. Et les premiers mots tombent : ce sont ceux de la jeune fille qui exprime un besoin fou et envahissant d’être rassurée sur les sentiments du jeune homme. Progressivement, cet interrogatoire révèle la fragilité de cette relation.

« Il faut que tu sentes monter ce désamour, explique Stéphane Jacob, professeur de français et de théâtre. Cet homme ne voit plus comment il va supporter cette femme qui lui mendie à chaque instant des preuves d’amour. Ce harcèlement lui donne envie de fuir… »

Cette scène est jouée plusieurs fois, le jeu consiste à interpréter ce texte avec des langues différentes et avec des personnages aux profils opposés. Il faut devenir comique, romantique, inquiétant.

Cet homme à la rigidité militaire, fasciste, n’embrasse pas comme cet hidalgo espagnol qui jette des coups d’œil aguicheurs à la volée, ni comme ce dandy romantique.

Un élève se lève et fait une proposition de jeu… 

« Et si vous dansiez comme dans un combat de corps à corps ? »

Il prend sa camarade et la fait danser.

Geneviève Moreau-Bucherie et Stéphane Jacob, les professeurs apprécient l’initiative.

Les élèves du lycée Dautet n’ont peut-être pas encore tous leurs accessoires, leurs costumes, ils hésitent encore sur les textes mais sont très présents sur scène, très embarqués dans ce voyage.

Ces deux enseignants de français qui ont déjà partagé plusieurs expériences théâtrales, les années précédentes, avec d’autres élèves sont plutôt contents de ceux-ci : les intentions de jeux sont là, l’émotion, le rire, le plaisir aussi. Il se passe quelque chose sur la scène.

Il leur reste du temps. Il faudra juste régulièrement rappeler qu’il faut être là, que les échéances se rapprochent et qu’il vaut mieux savoir son texte. Rien n’est gagné…

 

 

 


Entretien avec les élèves et les professeurs. Atelier libre de pratique artistique.

« Une pièce décalée sur l’égoïsme de notre société »

 

Pierre :

« J’ai plusieurs petits rôles. C’est une pièce tragique, triste. »

 

Marine : 

« Je ressors grandie. Il faut faire de son mieux pour jouer un rôle à la perfection. C’est difficile. J’ai le sentiment de vivre à chaque fois de nouvelles expériences. Cette pièce me fait penser à un voyage. On prend le train et on ne sait pas où l’on va. Je ne dirais pas que cette pièce est tragique. Mon personnage vit la vie comme elle vient, cette femme de ménage aimerait sortir de sa condition, mais elle est plutôt joyeuse, elle ne se prend pas trop la tête. Elle vit sa vie comme elle la sent… »

 

Mathilde :

« Je ne suis pas trop timide, je suis plutôt extravertie, je vais souvent voir des pièces. Je vois encore plus de pièces depuis que je fais l’atelier. Je n’avais jamais fait de théâtre avant. »

 

Pierre :

« Peut être que l’on a une attitude plus sereine face aux autres. Il y a moins quelque chose qui nous bloque. On se demande moins « qu’est ce que je vais pouvoir dire »... 

 

Jordan:

 «  Je n’avais jamais fait de théâtre. J’ai lu une pièce depuis que j’ai commencé, cela a été un grand effort pour moi (rires). Seul, je n’irai pas au théâtre. Le fait d’aller voir des pièces avec d’autres, c’est pas mal, on ne voit pas les choses de la même façon… »

 

Loïc :

« Je ne trouve pas que cette pièce soit tragique. On est dans une vision contemporaine du théâtre. On n’annonce pas une tragédie ou une comédie. On rencontre des clochards, des femmes de ménage, des couples à travers leur métier, leur vie personnelle. On peut jouer une même scène, dans des langues différentes, avec des émotions différentes. »

 

Jordan :

« Elle est juste complètement décalée cette pièce, des gens qui n’ont rien à voir ensemble, des femmes de ménage, les amoureux, des clodos, ils sont ensemble dans la pièce mais ils ne se parlent jamais entre eux. Des gens qui se croisent qui se sont vus mais ne se sont jamais adressé la parole. C’est l’égoïsme de notre société. »

 

Loïc :

« C’est une société qui ne prend plus le temps... On est de plus en plus pressé. Il y a une certaine furtivité. Une personne parle d’une manière désorganisée, par exemple. C’est un peu le monde d’aujourd’hui où l’on est assailli par plein de choses. On ne sait plus où donner de la tête. On retrouve quelque chose de poétique dans le rythme des phrases parfois. Une musique des mots. »

 

 

Stéphane :

«Dans une gare, on est dans un entre deux, entre deux lieux, dans des moments d’extrême solitude. On croise d’autres solitudes. On accède parfois à la solitude de l’autre. C’est du temps vide, le temps dans une gare. On peut le combler, essayer de le remplir, regarder son portable, lire son journal.

C’est du temps où l’on peut penser, imaginer ; du temps que l’on peut perdre, comme les pas du titre de la pièce. Un entre deux, quelque chose d’indécis, un avenir à construire.

Ce sont des moments privilégiés qu’on a tous vécus. On est aussi dans une fragilité extrême. On est seul, peut être regardé par d’autres et on essaye aussi peut être de se protéger derrière un manteau, un portable, un livre. »

 

Geneviève :

« Leurs personnages ne regardent pas le monde. Ils sont tournés sur eux. Vous offrez aux spectateurs ce moment incroyable qui permet d’observer des gens qui ne font que passer. Il n’y a pas de liens entre les gens. Le public va créer un lien. »

 

Stéphane :

« C’est un lieu où on est prisonnier, captif. On attend un mouvement, juste avant le départ. On ne travaille pas que le sens du texte mais aussi les moments où il n’y a pas de texte, et où cela va démarrer.

Quelque chose de fin, de subtil dans une expérience humaine. Un moment avant lequel on va vers autre chose. »

 

Marine :

« La première fois que j’ai lu ce texte, je l’ai trouvé étrange... J’ai été étonnée. Est ce qu’il y a une histoire ? Je n’ai pas encore le recul… Je suis dans mon rôle. La totalité doit être intéressante. »

 

Tom :

« Cette pièce, je l’ai vu jouer. Un patchwork de scènes de vie... Ca m’avait tenté. C’est une pièce que j’avais beaucoup appréciée. Chacune fait son petit bonhomme de chemin sans se voir vraiment. »

 

Loïc :

« La première impression est étrange, c’est vrai. Au lycée, on est habitué à lire des pièces structurées, des histoires filées. La première lecture peut déstabiliser, on n’est pas dans l’idée que l’on a d’une pièce de théâtre classique. Cela nous permet de découvrir le théâtre sous une autre forme. »

 

Tom :

« Cela nous permet de laisser beaucoup d’initiatives dans le jeu. Dans une pièce classique, on a des idées toutes faites pour installer son jeu. Le fait que ce soit une pièce atypique permet d’installer plus d’idées et d’improvisation dans les rôles de chacun ».

 

Geneviève :

« On ne leur a jamais demandé ce qu’ils pensaient de cette pièce. On n’a pas pris de recul pour analyser vraiment. On sait bien que tout se révèle à la fin. On peut douter longtemps avant. »

 

Stéphane :

« Ce qu’ils disent du texte, ils le disent par l’expérience qu’ils ont du plateau, la pratique. C’est une compréhension très différente d’une analyse scolaire. C’est très beau. Ils ont une belle intelligence du texte qui vient du corps, très concrète, très charnelle et qui remonte jusqu’à l’intellect. Au lycée, on fait souvent la démarche inverse, on oublie qu’on a un corps. Comme si le corps n’était pas capable de nous faire saisir la vie. On est dans l’intellect souvent... »

 

Geneviève :

« Les profs aussi, on parle du corps enseignant... Quand on anime un atelier, on retrouve notre corps, il bondit, il peut se rouler par terre, il peut faire toutes sortes de choses magnifiques,  que l’on ne peut pas faire dans une classe. »

 

Philippine :

« Toute la semaine, en terminale, on est stressés. Le mercredi, çà fait du bien. On rigole bien ».

 

Maud :

« On se marre bien entre nous ».

 

 

Interview réalisée par Alexandra Laine , Journaliste.

 

 

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Mise en scène : Geneviève Moreau-Bucherie et Stéphane Jacob

Avec : Manon, Marine, Kevin, Jordan, Julianne, Pierre, Mathilde, Tom, Marion, Loïc, Philippine, Blandine.


 

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