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Les chantiers du jeune théâtre

Les Ateliers 2012 du lycée VALIN, Autour de l'Absurde, L'Acte Inconnu, Lebensraum, Les Orphelines

17 Mars 2013 , Rédigé par GMB Publié dans #Mimésis 2012

 POUR MIMESIS 2012, Salle de l'Oratoire.
Christian Bel : atelier artistique du lycée Valin.

 

   AUTOUR DE L’ABSURDE

          « Qu’est-ce que l’Absurde au théâtre » ?

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16 Février 2012 : On entre sur la pointe tes pieds dans la Salle Bleue du lycée Valin, salle de cours, salle de répétitions, salle de représentations …Christian à la Régie, après avoir présenté humblement le beau travail de ses élèves.

Car il s’agit cette fois, non d’un travail d’atelier, mais de la représentation devant un public d’élèves, de quelques professeurs …

Le spectacle est composé de plusieurs extraits « autour de l’Absurde », la composition est thématique et la mise en scène assurée par Martine Fontanille, intervenante de cet atelier.

On est très intéressé d’emblée par ce «  collage » de morceaux choisis, sous le signe de la variété et du mouvement. Assis à des tables, couchés sur le sol, en solo, duos, en trios, à plusieurs,  les scènes s’enchaînent avec des échos  et toujours une chute aménagée par la lumière.

Je remarque des personnages côté cour, couchés-debout sur un lit imaginaire enveloppés d’un drap, un couple ! Et côté jardin, plus tard, un couple couché enveloppé du même  drap ! C’est une trouvaille !

Beaucoup de costumes très colorés, notamment dans l’extrait d’Ubu d’Alfred Jarry ! Mêler l’absurde et les couleurs dans un univers finalement assez sombre, accentue le décalage et la folie !

On se laisse capter par cette effervescence et cette belle énergie sur scène.

A la fin les élèves qui ont peu de temps acceptent de s’asseoir en rond, belle figure circulaire du théâtre ! Ils sont rayonnants, accueillants :

 

Quelle est la composition de  cet atelier ?

Christian Bel : ils sont 17, et font partie d’un Atelier Artistique qui accueille tous les volontaires et pas seulement les options. La plupart a déjà fait du théâtre, ce sont des élèves de 2de et de 1° qui ont la possibilité s’ils le veulent, de rejoindre l’option lourde en terminale.

 

Ce que j’ai vu représente un gros travail. Comment vous organisez-vous ?

Christian : Ce gros travail ils le doivent à Martine Fontanille, c’est elle qui en a fait aussi la mise en scène. On l’aime bien Martine !

 

Combien d’heures de travail en amont pour une telle réalisation ?

Christian : des séances de trois heures par semaine soit deux fois une heure et demi, dont16 heures avec Martine, et sur trois trimestres : au premier trimestre nous avons un atelier, au deuxième et au troisième, nous montons deux projets : une pièce  est en projet.

 

Comment s’est décidé le choix des textes, puisque vous nous proposez ici une sorte de collage sur un thème, celui de l’absurde ?

Christian : le choix du thème est libre. J’ai choisi l’Absurde. D’ailleurs qu’est-ce que l’Absurde au théâtre ? Et pour les textes, j’aime bien le « mélange ».

Louise : notre professeur nous a proposé des textes. Nous avons fait un choix, nous les élèves, et avons créé nos groupes par deux, trois ou plus pour travailler !

Tous :   il y a des textes   de Dubillard, une scène d’Ubu Roi d’Alfred Jarry, de Philippe Absous, de la Comédie du langage de Tardieu, En attendant Godot , Les Poissons rouges et enfin de JM Ribes…


Quelle énergie dans ce travail, bravo !

Christian : Ce n’est pas la mise en scène qui est mise en avant dans ce travail, mais bien le travail cde l’acteur !Ils ont vécu une belle aventure sur le plateau, c’est un excellent groupe !

Interview réalisée par Alexandra Laine, Journaliste.


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 Mise en scène : Martine Fontanille

Direction :  Christian Bel

Avec : Gaïa, Laure, Camille, Younès, Alexia, Solène, Cindy, Charlotte, Louise, Océanne, Théo, Nathan, Emilie, Julie, Yanis, Emile, Jean.

 

Novarina et le théâtre : un saut dans le vide

 

« Après les représentations, on crie tous ensemble, on a réussi ! »

 

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Première présentation du travail autour de Novarina au Vélodrome.

 

« Ils vont vivre une expérience unique… »

 

Le 23 février, ils ont fait une sieste d’une heure, après avoir donné tout d’eux-mêmes pendant trois jours de stage intensif avec Laurence Andréini, metteur en scène de la compagnie Amazone et Christian Bel. A 18h, ils sont sur scène. Ils présentent l’Acte inconnu (Acte II, la comédie circulaire) de Valère Novarina, architecte de formation, plasticien, metteur en scène, un auteur que la plupart découvrent. La langue de Novarina baroque, poétique, folle, demande un travail exigeant.

« Hop », une élève lance le groupe, coloré, bariolé, clownesque. La musique de Nino Rota des films de Fellini annonce le cirque, les élèves ont en main des cadres vides dans lesquels ils évoluent.

Coordonner à la fois le texte et le corps. Expérience d’acteur difficile. On ne s’empare pas de Novarina, sans une certaine expérience de la scène et du texte. Les élèves sont à la hauteur. Ensemble, unis, ils jonglent avec les mots avec une aisance, une souplesse, une jubilation contagieuse.

Un oubli… « Hop ».  Ils appellent le souffleur avec une telle assurance que ce trou de mémoire semble faire partie de la mise en scène. La densité, la richesse du texte de Novarina offrent une liberté d’expression qui porte les jeunes comédiens.

Ils ont bien intégré la recommandation de Christian Bel et Laurence Andréini : « Ne cherchez pas le sens du texte… Laissez-vous porter… »

Bonne approche : dites à un ado de ne pas lire entre les lignes d’un texte, il s’appliquera à faire exactement le contraire, malgré lui. Et le tour est joué.

Certes, il ne faut pas chercher à comprendre. « C’est baroque, c’est génial, c’est surprenant, dit un père de famille à la fin du spectacle.

« Un travail de mémoire impressionnant dit une mère. On est conscient du travail fourni. On les voit tous progresser depuis quelques années. Novarina, ce sont des jeux de mots, il ne faut pas trop réfléchir quand on ne s’y connaît pas en littérature. C’est fantastique. »

« C’est marrant, c’est prenant, c’est surprenant, j’aime bien, complète le papa. »

« Un plaisir des mots, de couleurs, des mouvements, commente une autre mère. J’aime bien être déroutée comme çà un petit peu »

« Je n’aurais pas aimé être à leur place exprime une autre mère. C’est complexe. Dire un texte en sautant à la corde, chapeau. »

Ce sont les adolescents, par la manière juste et profonde dont ils s’emparent du texte, qui donnent du sens à Novarina.

« Ah, jubile Laurence Andréini, alors c’est gagné ! »

Oui, nous sentons le vide de l’existence, son absurdité. Nous voyons bien les personnages robots manipulés, nous ressentons profondément le désarroi de ces pantins qui ne savent plus où sont leurs rêves, dans un monde formaté pour les tuer. La danse des mots et des corps nous kidnappe.

«  Avec Valère Novarina, il ne faut pas construire de situation, sinon le verbe s’écrase explique Laurence Andréini.Si on commence à vouloir chercher ce que veut dire son langage, on se plante. Avec ces cadres vides, on travaillant à partir du rien, est apparue une grande limpidité. Cette écriture d’une beauté incroyable apparaît alors avec beaucoup de simplicité. On a une trentaine d’heures d’intervention. On s’est de suite jeté dans l’improvisation avec le cadre comme support. Valère Novarina est obsédé par le début et la fin d’une vie, l’homme n’est qu’un trou, d’où l’on vient, la naissance et où l’on va, la mort... C’est une écriture qui se suffit à elle-même, si on l’intellectualise un peu, elle perd de sa puissance»

Les élèves ont mené la farandole du surréalisme avec une telle joie d’être là…Ils ont assumé un texte difficile en lui faisant la fête. Une prouesse. « On incarne le texte, pas un personnage. explique Perrine, une élève. On est là  au service des mots. Pourtant les verbes au passé simple, au subjonctif, c’est invivable. »

Les parents sont venus voir le travail de leurs enfants, devenus grands. Cela fait trois ans qu’ils les écoutent s’enthousiasmer à la maison sur cette aventure théâtrale très particulière, ce groupe qui les entraînent. « Nos parents, on les saoule avec le théâtre, raconte Perrine. Mais comment leur faire comprendre qu’on aime ça, qu’on donne tout pour ça, qu’on pourrait leur en parler des heures… Au lycée aussi, on parle beaucoup de ça. On a envie d’emmener les copines au théâtre. »

Christian le Bel, quitte le vélodrome.

« C’était bien. C’était bien.  On les a épuisés. Mais il n’y avait pas de péril. C’est l’école. »

« Pas de péril ? Un petit risque quand même ? »

« On dit toujours que le théâtre est un saut dans le vide… Mais avec un danger limité quand même. On a le droit à l’erreur à l’école, non ?»

 

« Il faut monter une fois sur scène, dire un texte pour voir ce que cela fait, ça prend aux tripes, c’est magnifique. »

 

« Allez, allez, on propose, on ose… »

Christian Bel est le professeur de « l’option lourde », la spécialité « art dramatique » du théâtre Valin. Coefficient 6 au bac, 3 à l’écrit, 3 à l’oral… « Du lourd » disent les élèves, du sérieux et en même temps des rires, des larmes, des moments fous, des réflexions profondes sur les textes, l’histoire du théâtre, la tragédie, la comédie, l’absurde…

Des soirées dans les salles de la Coursive ou ailleurs, d’où l’on rentre tard, la tête pleine d’images et de sensations…

Nous avons interrogé ces élèves qui jettent leurs tripes sur scène pendant des heures et des heures. Une classe pas comme les autres. Peut-on tricher lorsque l’on s’est montré sur scène à fleur de soi ? Comment se cacher derrière sa carapace d’adolescent ?

C’est un échange à part. Rien n’est normal en option lourde. Mais où est la normalité ?

 

 

Perrine

« On a six heures de cours par semaine et deux heures de théorie pendant lesquelles on fait des analyses comparées de différentes mises en scène sur la pièce que l’on travaille. Avec Novarina, c’est un peu particulier puisque nous n’avons que la mise en scène qu’il a faite lui. On est un peu bloqués, nous n’avons que nos analyses et notre ressenti sur la pièce. On a deux intervenants pas an, pendant 70 heures sur l’année. »

Marie

« On va voir une quinzaine de spectacles dans l’année, à la Coursive et ailleurs, Rochefort par exemple. On est allé à Paris, c’était génial. Ca apporte beaucoup. Je suis venue exprès pour l’option théâtre. »

Anasthasia

« On est allé au centre Pompidou, à l’Assemblée Nationale, à Montmartre. Et le soir au théâtre de Chaillot, à la Colline et à la Comédie française... On voit du théâtre, des arts de la piste... Cela nous permet d’améliorer notre culture théâtrale et générale. »

Mélissa

« Je fais du théâtre depuis le CE2. J’adore çà. Cela m’ouvre l’esprit, l’horizon... En seconde, on est allé à Nantes voir un spectacle de 11 heures, proposé par un grand dramaturge. C’était génial, on passait du rire, aux larmes.

Perrine

« C’était fantastique, c’est une écriture très particulière, j’ai relu la pièce ensuite ; c’est un style très parlé d’un auteur canadien. On s’est retrouvé 15 heures dans le même théâtre, on n’est pas sorti du lieu. On était déboussolé, on ne savait plus quelle heure il était. Il n’y a pas de mots... On avait tous deux mois de théâtre. Cela a été bouleversant. Je me suis retrouvée en larmes. Ce n’est pas comme quand on pleure devant un film parce que c’est un peu triste. C’était du chagrin, c’était profond, et quand on vit des trucs comme çà... Quand je vis des trucs comme çà, je me dis que je ne veux rien faire d’autre que du théâtre »

Christian Bel

«C’est une raison pour laquelle on fait cela.  Parfois le théâtre, ça aide à vivre plus, ça aide à vivre à 120%... À accélérer les émotions. »

Marion

« Depuis toute petite, j’ai envie d’être comédienne. Il fallait que je fasse théâtre, c’est ma passion, ça provoque un bouleversement chez nous. C’est quelque chose de profond, qui nous apporte beaucoup pour vivre. On rencontre tellement de gens intéressants, les intervenants, les metteurs en scène, les acteurs après les spectacles. C’est vraiment très enrichissant »

Simon

« Ca nous rapproche aussi dans la classe. On se retrouve toujours pour échanger pendant la préparation d’une pièce et sur celles que l’on voit »

Leila

« On devait remplir nos vœux, quel lycée, quelle option. Cela fait des années que je fais du théâtre, et j’ai vu que cette option existait, j’ai vu qu’il n’y avait que 24 élèves sélectionnés. »

Christian Bel

« Etant donnée la crise de la série L, il y a de moins en moins de sélection. C’est le grand ordinateur pour tous les enseignements de type optionnel, sur les résultats scolaires. En théâtre, ils sont plus évalués sur le français »

Simon

« Moi j’ai été reçu parce que j’habitais dans le quartier. »… Rires.

Christian Bel

« Ce n’est pas le conservatoire. Heureusement. Ce n’est pas une école d’acteur. Pas de hiérarchisation. Pas les bons élèves… »

Perrine

« Il n’y a pas d’audition. »

Christian Bel

« Surtout pas ! On est à l’école !»

 

Qu’est ce qu’on attend de vous ? Qu’est ce qu’il faut savoir faire ?

Pauline

« Il faut avant tout qu’on montre qu’on aime çà. Et aussi montrer notre culture, tout ce que l’on a appris. On n’est pas là juste pour jouer. On nous dit souvent : vous êtes en théâtre, vous ne faites que jouer, faire du plateau, c’est cool. On travaille aussi quand même. Et il faut qu’on arrive à jouer nos scènes. Par exemple, en première on a « Agamemnon » d’Echyle, une pièce antique pas facile, et « L’acte inconnu » de Novarina, une pièce contemporaine qui ne raconte pas une histoire, c’est juste basé sur le langage. Ce n’est pas facile. Je suis la seule qui n’aime pas la pièce. » … Rires.

Camille

« Ce n’est pas abstrait, non... C’est bizarre. C’est indéfinissable. C’est quelqu’un qui joue sur les mots, les rythmes et illustre ses idées sur scène. C’est un théâtre très spécial. » … Rires.

Emeline

« C’est bizarre, au premier abord, il n’y a pas de trame, pas d’histoire, les personnages ne dialoguent pas réellement entre eux. Des phrases balancées comme çà, très travaillées au niveau de la syntaxe mais elles n’ont pas de sens. Novarina invente beaucoup de mots. Il a sa propre langue. C’est du théâtre philosophique. »

Simon

« Il n’y a que Novarina qui peut mettre en scène Novarina. »… Rires.

Simon

« C’est une démarche particulière que lui seul peut comprendre pleinement et assimiler. Il invente ses propres règles, il n’y a pas de trame, de suivi, de temps, pas de personnage récurrent avec des intensions précises. Mais il y a des allusions à la Bible, à Hamlet. Quelqu’un qui voit cela très en dehors, comme des artistes contemporains dont on se moque. Lui il est fou, il pourrait faire caca sur scène. On doit vraiment être déboussolé quand on voit Novarina. On a vu des captations de pièces de Novarina. »

Pauline

« Pour Novarina, il ne s’agit pas de comprendre. Il s’agit de ressentir son vocabulaire, son langage et de se les approprier pour les ressentir. C’est quelque chose de très personnel, le ressenti que l’on peut avoir sur Novarina . »

Perrine

« Il faut incarner le texte. C’est surtout pour les mots, leur sonorité et le rythme qu’ils ont entre eux. Par moment, cela pourrait critiquer légèrement la télévision, la religion. Une moquerie légère qui nous rappelle que... Pas plus que çà ! »

Christian Bel

« On commence. C’est intéressant ce que vous dites. Vous oubliez plein de choses, c’est normal. La poésie, l’engagement du corps… »

Justine

« On a des cadres. Un cadre vide chacun. Ceux qui ne jouent pas sont assis sur des cousins. »

Pauline

« On travaille sur une musique de Fellini. »

Christian bel

« On joue un acte, tout le monde a la même quantité de texte. »

Perrine

 « C’est comme pour la présidentielle. On a un temps de parole… »

Mélissa

« Je me souviens surtout de la dernière pièce que l’on a joué l’année dernière, une pièce contemporaine d’un auteur Québécois. Il est venu exprès du Québec pour assister aux répétitions avec une grande marionnettiste. Toute la pièce était avec les marionnettes. Cela nous a tous marqués. La pièce parle d’une fusillade dans un lycée, ça nous intéresse tous. Tout le monde pleurait à la fin »

Pauline

« C’est ma première année en option lourde. On est tous très proches dans cette classe. Je ne suis pas venue que pour l’ambiance. Mais je me souviens, la toute première fois que j’ai joué, c’était des petits bouts de texte sur l’amour. C’était la première fois de toute ma vie que je faisais du théâtre. J’étais morte de trouille, je tremblais comme çà. J’étais très stressée. Je me suis aperçue que ouaouh, le théâtre, c’est pas comme un film, c’est quelque chose qu’on vivait. Il faut monter une fois sur scène, dire un texte pour voir ce que cela fait, ça prend aux tripes, c’est magnifique. »

 

Camille

« Je me souviens d’une pièce à Rochefort qui s’appelle Absinthe, une pièce qui avait le moins de moyens. Elle m’avait bouleversée. Une ambiance très forte, très pesante. Des personnages ambigus, psychotiques, effrayants. »

 

 

Un élève

« Super ! » … Rires.

Camille

« Je n’aime pas spécialement cela mais je me suis sentie transportée. Le théâtre, c’est une histoire de sentiments, d’émotions, on apprend à vivre les choses pleinement, à interpréter ce qu’on vit et on apprend à regarder autour de soi, c’est ce qui nous différencie des autres. C’est ce que j’aime dans le théâtre »

Camille

« On peut mettre des mots sur ce que l’on vit. J’arrive plus facilement à définir mes émotions, à en parler. On apprend à voir du théâtre, en fait. A être ouvert. Depuis que je fais du théâtre, j’observe plus ce qui se passe, les gens, leurs comportements. Quand on va faire une pièce, on fait un journal de bord, on doit retenir des choses, être fin dans notre analyse, cela nous pousse à chercher des détails, à comprendre nos émotions. »

Perrine

« Je pleure énormément. Le théâtre, ça permet de lâcher. La catharsis. Ca permet de mettre toutes ses émotions dans le théâtre, plus en jouant qu’en allant le voir »

 

Christian bel

«  Ce que tu dis, c’est un peu la base. Le théâtre, c’est avec des émotions dont on ne sait pas trop quoi faire à l’école, sans tomber dans la caricature. C’est un peu le souci. On travaille avec les émotions, mais ce n’est pas du déballage, on y met une forme. Sinon, on n’est pas au théâtre. C’est de la téléréalité, sans porter de jugement. On peut aller travailler très loin dans les émotions parce qu’il y a une forme. Il n’y a pas de vulgarité. On peut se procurer du plaisir et le partager »

 

Emeline

« On appréhende la vie différemment. De jouer des émotions, de voir des émotions jouer, ça permet de relativiser la réalité et d’avoir un regard critique sur le monde. Je me souviens d’une pièce que l’on a vue l’année dernière. J’ai vraiment ressenti la différence entre le théâtre et le cinéma. Une actrice jouait le rôle d’une femme qui se faisait poursuivre par un homme qui voulait la violer. On captait tellement l’énergie des acteurs. J’avais l’impression d’être poursuivi par le gars et c’était fou. Voilà »

Anasthasia

« Je me souviens de la toute première pièce que j’ai vue avec l’option. Mme de Staël. Ces femmes avec les grandes crinolines. Un de mes meilleurs souvenirs »

Leila

« Je me souviens de Slava Polunin, l’un des plus grands clowns au monde. C’états du cirque. Une troupe d’une centaine de personnes. Il y avait son fils dedans. On était vraiment dans le spectacle. A la fin, il y avait des gros ballons sur scène, sur l’eau. On jouait avec. Cela m’a permis d’avoir une autre vision du théâtre, du clown. Depuis je me suis intéressée aux écoles de clowns. J’ai pleuré de découvrir quelque chose de nouveau qui m’attire. C’était le corps et la magie, c’était très beau. L’année dernière, oui je voulais devenir clown. Si une occasion se présente, oui, pourquoi pas ! »

Christian Bel

« Qu’est ce qu’on attend d’eux ? C’est une option parmi d’autres, on attend d’eux une curiosité, une construction de la culture, un savoir vivre, des qualités humaines, du travail. Si on fait les choses bien, l’engagement en L demande une implication plus forte que les autres. On donne de soi, de son temps, de l’engagement physique et intellectuel. De se poser des questions, de se mettre en difficulté, d’avoir une relation collective, on apprend le théâtre et on apprend beaucoup par le théâtre. »

Marie

«Ca me touche quand même beaucoup. »

Perrine

« On fait du rabe jusqu’à 18h, on va faire un stage de trois jours, à la Fabrique avec Laurence et on va nous dire que l’on ne travaille pas parce qu’on est dans une salle, pas assis à gratter des cours et à analyser des formules. On ressort au bout de quatre heures vannés, parce que l’on donne.»

Christian Bel

« Vous avez des intervenants dans des registres très différents, des gens qui donnent énormément. On donne, on reçoit, on échange »

Perrine

« Ils donnent et ils attendent de nous surtout. On a alors envie de donner plus. On a envie d’être à la hauteur de ces exigences. »

Pauline

« Quand tout le monde sort le soir et qu’on va prendre le bus, on se met parfois à pleurer toutes les deux avec Emeline. On est épuisées, les nerfs lâchent, on a eu trop d’émotions. On a eu l’impression de ne pas faire assez bien. Personne ne nous dira jamais : c’était nul ce que tu as fait. Je suis parfois découragée. On a des coups de mou mais ça nous renforce. Après les représentations, on crie tous ensemble, on a réussi. »

 

 

Interview réalisée par Alexandra Laine , Journaliste.

 


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 Mise en scène : Laurence Andréini et Christian Bel

avec : Camille, Emeline, Marie, Mélissa, Simon, Manon, Hélian, Anna, Marion, Anasthasia, Anaïs, Loreleï, Pauline R, Justine, Perrine, Pauline V, Leila.

 

      Philippe Méry: 

                                       Lebensraum

                                        Israël Horovitz

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Un texte très cinématographique qui les a impressionnés

 

«  Lebensraum », le titre de la pièce d’Ismaël Horovitz créée en 1997, et jouée à Avignon en 1998, reprend le mot d’ordre nazi d’Hitler «  Espace vital » qui justifiait son expansionnisme.

Mais dans cette fiction l’espace vital serait redonné aux juifs à l’aube du XXI° siècle, par le chancelier Rudolf Stroiber qui invite 6 millions de juifs à émigrer en Allemagne, en guise de réparation.

Plusieurs voix nous racontent le destin de juifs venus d’Australie, des USA et même d’Israël, puisqu’il n’y en a plus en Allemagne, débarqués en familles, en couples ou en solo, pour des raisons différentes . Ce renversement de situation sonne comme un coup de théâtre dans l’Histoire …

 

« Ce n’est pas une génération désenchantée »

 

Entretien avec Philippe Méry et Philippe Canales

 

Philippe Méry

 Je suis un grand admirateur d’Israël Horovitz, je continue de penser qu’il aura peut être un jour le prix Nobel de littérature. Le thème est très fort, c’est parti d’une conversation que l’auteur a eue avec la fille d’un de ses amis allemands qui lui a dit qu’elle n’avait jamais vu un juif de sa vie. C’est vrai que dans les années 70-80, il n’y avait plus de juif en Allemagne. Le point de départ de la pièce, c’est le chancelier en Allemagne qui déboule à la télévision à 6 heures du matin et s’adresse à toute la diaspora juive en disant  que les personnes qui ont émigré pour les raisons que l’on connaît vont être accueillies en Allemagne et que l’on va les aider à trouver du travail.

 

Philippe Canales

Oui c’était très personnel, c’est quelqu’un qui a une œuvre très importante. Ҁa m’intéresse de pouvoir m’approprier une écriture, que les élèves fassent des choses personnelles avec elle. Mon envie était de partir d’une proposition de Philippe et de voir ce que je pouvais inventer avec cela avec des jeunes...cette pièce a une vingtaine d’années. Comment on parle en 2012 des années 1990 ?

 

Comment les élèves ont-ils réagi ?

Philippe Méry

Première lecture, ils ont été impressionnés. Ils se sont pris le texte dans la tronche. Ils n’avaient jamais réfléchi au fait qu’il n’y avait plus de juifs en Allemagne dans ces années là. Ils ont été touchés et ils ont apprécié le mélange des registres, il y a des moments très drôles, des moments très dramatiques, il y a du « Roméo et Juliette » avec une histoire d’amour entre deux jeunes de familles opposées. Il y a de la narration, de l’action, des personnages jeunes auxquels ils peuvent s’identifier facilement, il y a des personnages beaucoup plus âgés, un vieux juif émigré en Australie qui a 80 ans mais que l’acteur a intégré sans problème. Ils ont adhéré très vite. Dés qu’ils ont vu Philippe, la sauce a pris immédiatement. Mais çà,  je le savais.

 

Philippe Canales

Ce qui était intéressant pour eux c’est qu’on a l’impression que le texte peut être très cinématographique, Horovitz a écrit beaucoup de scénarios de films aussi. Le défi

 était de le rendre beaucoup plus théâtral dans les corps et dans la parole. Dans cette pièce là, c’était intéressant de raconter l’histoire du début à la fin, même si on a coupé la moitié de la pièce. C’est une histoire qui est forte mais il y a toujours une joie de faire le travail qui prend le dessus sur ce dont on parle. Ils n’ont pas à prendre en charge ce qui est dramatique. Ils avaient toujours faim de travail, c’était agréable.

 

Philippe Méry

On travaillait le mardi après midi quatre heures d’affilée. A 19h, Philippe proposait à tel volontaire de peaufiner une scène et on avait du mal à ce qu’il n’y ait pas tous les élèves qui restent. J’exagère  à peine. Je leur disais « les amis il n’y a pas que le théâtre...sinon, je vais me faire appeler Arthur par mes collègues qui me diront que je lui sacrifie tout. » Cette pièce les a enrichis parce qu’elle leur a apporté quelque chose d’un point de vue informatif et aussi émotif. Etre professeur c’est aider de futurs citoyens à se former. Cette expérience là les aura aidés. Ils étaient contents de défendre le texte.

 

Le bilan de ces ateliers, c’est une joie, ce n’est pas mièvre. D’où vient cette joie ?

On dirait une source inépuisable

 

Philippe Canales

Il n’y a pas de théâtre triste. La tristesse n’est pas un sentiment très intéressant. Ҁa peut être des choses très violentes, terrifiantes, tragiques, terribles ou exaltées mais c’est toujours joyeux. Un chanteur d’opéra qui va chanter le déchirement ne va jamais pleurer parce que sinon, il ne pourra pas chanter. Ce qui se transmet au public se transmet dans la joie.

 

En même temps, le spectateur a des moments d’émotions fortes

Vous le ressentez

Le comédien est bien parfois profondément triste dans des situations dramatiques.

Pas toujours, ce qui est important est de raconter quelque chose du monde, ce n’est pas de ressentir ce que vous vous ressentez dans le public.

 

De tous ces chantiers, on réalise qu’il y a plein de choses qui se font

Les élèves ne sont pas d’une génération désenchantée ce n’est pas une « bof génération », ils sont capables d’être mus par toutes sortes de désirs, de bonheurs, encore une fois j’ai été obligé de tempérer sinon ils auraient passé 15 heures par semaine à travailler en théâtre.

 

A l’adolescence, on a tellement de désirs, qu’on ne sait pas vraiment quoi en faire.

 

Philippe Méry

Ils ne viennent pas avec un intérêt poli pour le théâtre, ils ont envie de s’investir

 

Extraits des journaux de bords surLebensraum  réalisés au cours de l’année par les élèves du lycée Valin.

 

(photocopies)

 

 

Interview réalisée par Alexandra Laine , Journaliste.

 

 

 

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 Mise en sc.ène : Philippe Canales

Direction : Philippe Méry

Avec : Nolwenn, Laure, Eloïse, Jordan, Solène, Cindy, Solène G, Robin, Louis, Emile, Jean, Ophélie.

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